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Loi Sauvadet au CG 42 : le statut mis en joue

Juin 2014

Pendant des années, le Conseil général s’est comporté comme s’il avait le droit de faire n’importe quoi en matière de recrutement. Maintenant, comment faire disparaître ce bazar ? Pas de soucis, y’a Sauvadet !


Un statut si encombrant…

Si vous travaillez dans une collectivité locale, vous êtes normalement fonctionnaire territorial, c'est-à-dire que vous relevez d’un statut aligné sur celui des fonctionnaires d’Etat. Cette situation a souvent été dénoncée par ceux qui estiment que les élus locaux devraient pouvoir gérer leurs « ressources humaines » avec la même liberté que tout chef d’entreprise[1]. Ils auraient pourtant tort de s’acharner contre la supposée rigidité du statut, l’exemple du recrutement au CG 42 démontre qu’on peut facilement le tordre dans tous les sens.

La loi du 13 juillet 1983 impose de nommer en priorité sur un poste un lauréat de concours inscrit sur liste d’aptitude ou, par mutation ou détachement, un fonctionnaire déjà en place. L’embauche de contractuels est donc dérogatoire, théoriquement limitée aux cas où les titulaires font défaut. On sait pourtant que le recours aux non-titulaires est depuis longtemps une voie privilégiée au CG 42.

Selon le bilan social 2011 de la collectivité, la proportion de non-titulaires atteignait en effet 22,1% des effectifs en 2010. Dans le même temps, cette proportion était de 14,8% pour la moyenne des conseils généraux[2]. Selon les métiers, cette part est plus ou moins élevée mais on note qu’elle augmente avec les niveaux de rémunération. Ainsi, parmi les cadres administratifs, les contractuels apparaissent pratiquement aussi nombreux que les titulaires.

L’importance du phénomène au CG 42 ne peut s’expliquer seulement par les remplacements ou les renforts temporaires : le recrutement de non-titulaires est devenu chez nous un véritable système. Cette situation est justifiée officiel-lement par la difficulté de trouver les profils requis parmi les lauréats des concours ou les agents déjà en poste et donc par la nécessité d’ouvrir les recrutements de la façon la plus large possible.

Les témoignages abondent cependant pour montrer que, dans de nombreux cas, les candidatures des agents titulaires sont délibérément écartées quel que soit leur profil. Les techniques pour contourner la règle sont nombreuses et assez faciles à mettre en œuvre : avis de vacance de poste rédigés sur mesure, appels à candidature ayant faussement échoué, candidatures rejetées d’office, entretiens pipés… La soi-disant pénurie en fonctionnaires qualifiés cache donc une réalité plus banale, qui a pour nom « cooptation », « recommandations », ou plus prosaïquement « piston ».

Et voici Sauvadet !

Jusqu’à récemment, les apparences au moins restaient sauves : les contractuels de catégorie A et B qui occupaient des postes « en dur » depuis plusieurs années étaient invités à passer un concours pour régulariser leur situation. Mais la loi dite Sauvadet est arrivée, prévoyant des « recrutements réservés valorisant les acquis professionnels » c'est-à-dire sur dossier et hors concours. Au CG 42, ce dispositif qui devait permettre de résoudre des situations précaires chroniques s’est transformé en opération de régularisation massive : 164 salariés sont concernés, dont une grande majorité de cadres. Ils intègreront la fonction publique après un entretien plus ou moins bidon, sans considération de diplôme, et se verront automatiquement titularisés sur leur poste.

Quels que soient les mérites individuels des agents concernés, on est forcé de constater que la généralisation du recrutement de gré à gré au CG 42 a vidé le système des concours de son sens. Les « externes », titulaires d’un concours qu’ils ont sué à préparer sur leur temps personnel, sont devenus une espèce en voie de disparition. Ce glissement a changé l’attitude des élus  et des chefs de services, qui ont fini par considérer qu’ils avaient le droit de choisir ou d’écarter qui ils voulaient sans avoir à se justifier.

La carrière repose en paix

Dans cette ambiance, autant dire que le vieux déroulement de carrière linéaire n’est plus qu’une légende. Après la loi du 17 février 2007 relative à la Fonction publique territoriale, qui donne aux élus le pouvoir de déterminer le quota d’agents pouvant être promus dans chaque cadre d’emploi, le Conseil général a fixé les dits quotas particulièrement bas, ce qui a cassé le rythme de progression des  titulaires. Dans le même temps, l’assemblée continuait à créer des postes de catégorie A, fréquemment pourvus par des contractuels, ce qui lui a permis de contourner les limites qu’elle avait elle-même instaurées. Il n’est pas sûr que le niveau de qualification, notamment au niveau de l’encadrement, y ait beaucoup gagné…

La vieille mécanique de la carrière, qui combinait concours, examens professionnels et ancienneté, a donc fini par céder. Ne parlons même pas de mobilité ni de promotion interne : pourquoi chercher chez soi ce qui existe déjà (souvent fort bien) quand on peut aller le trouver ailleurs (parfois fort mal) ? Bien plus que les règles, lesquelles n’ont pas réellement évolué depuis la décentralisation, ce sont donc les mœurs qui ont changé. Les « petites injustices » subies par des fonctionnaires peuvent bien paraître insignifiantes dans une société qui s’est habituée à la précarité et à l’accaparement par un petit nombre. Mais la violence symbolique de certaines promotions fulgurantes pour la masse des agents confrontés à la dévalorisation de leurs concours et désormais coincés dans leur grade et dans leur poste n’en est pas moins douloureuse.

Juré-promis, maintenant c’est fini ?

Aussi étonnant que cela puisse paraître, les responsables de notre collectivité ne se cachent même pas de cette dérive. Mais ils nous jurent qu’on ne les y reprendra plus ! Nous nous permettons d’en douter. Depuis le mois dernier, SUD CT 42 demande à être informé du statut de toutes les personnes recrutées. Nous vous invitons de votre côté à nous faire remonter tous les abus que vous pourriez repérer. 


Nous n’hésiterons pas, si besoin, à rappeler la collectivité à ses obligation légales, et si ça ne suffit pas, nous saisirons les services du préfet (chargés, jusqu’à preuve du contraire, de contrôler la légalité des actes des collectivités territoriales) voire le juge administratif
 

Les contractuels, des privilégiés ?

Il serait tout à fait injuste d’oublier que le statut de contractuel dans la FPT, c’est d’abord un moyen pratique de presser des agents comme des citrons en les coinçant dans la précarité : contrats à répétition, promesses de titularisation en cas de réussite au concours parfois non respectées, titularisation avec retard, etc…  Beaucoup ne sont plus au CG pour en témoigner. Dans tous les cas, ce sont des salariés dont on est à peu près sûrs qu’ils la fermeront. 

Il y a quand même un point commun entre les contrats de copinage et les contrats « pressage de citron » : la transgression de la loi, qui permet à l’institution de manier en toute impunité la carotte et le bâton. Ou plutôt : la carotte et le bâillon.
 
[1] Voir les deux propositions de loi de 2009 et 2013 (non adoptées) visant à instituer la liberté de recrutement dans la FPT
[2] Hors emplois aidés et assistants familiaux. Source : bilan social, INSEE.

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